Ajoutez cette activité à votre liste : bain de forêt
Si vous êtes du genre à randonner pour admirer le paysage, à nager pour vous rafraîchir ou à flâner sur un sentier pour vous dépenser, la sylvothérapie pourrait vous sembler une version plus tranquille des activités de plein air. Pas de ligne d'arrivée, pas de nombre de pas à compter, pas de sommet à gravir. Juste vous, la forêt et un rythme plus lent que d'habitude.
Par ailleurs, avant que vous ne posiez la question, non, la sylvothérapie ne consiste pas à se déshabiller et à gambader dans les arbres (même si, si c'est votre truc, on ne vous juge pas). Le terme « bain » est purement métaphorique : vous vous imprégnez de l'atmosphère de la forêt, et non d'un jacuzzi en pleine nature.
Pourtant, cette pratique douce et méditative gagne en popularité partout au Canada, attirant randonneurs, thérapeutes et sceptiques dans son atmosphère paisible. Mais qu'est-ce que le bain de forêt exactement, et pourquoi tant de gens se perdent-ils dans les arbres ?
Ce que c'est (et ce que ce n'est pas)
Le bain de forêt, ou Shinrin-yoku comme on l'appelle au Japon, se traduit littéralement par « bain de forêt ». Mais n'imaginez pas de vapeur d'eucalyptus et de serviettes ; voyez-le plutôt comme une immersion sensorielle. Vous vous promenez en forêt, en prêtant attention à ce que vous voyez, entendez, sentez et ressentez. Vous pouvez vous arrêter pour toucher l'écorce, écouter les oiseaux ou observer comment la lumière filtre à travers les feuilles.
L'essentiel, c'est la lenteur. Ce n'est ni de la randonnée, ni du camping, ni une séance de sport ; vous n'avez pas à atteindre une destination ni à vous installer pour la nuit. Vous avancerez probablement moins d'un kilomètre par heure, et c'est largement suffisant. Et ce n'est absolument pas du nudisme, à moins que vous n'ayez vraiment mal compris la consigne.
Au fond, le bain de forêt est une forme de pleine conscience en mouvement : une manière de se recentrer, d’apaiser son esprit et de renouer avec la nature. Pour beaucoup, c’est aussi un moyen de contrebalancer la surstimulation de la vie moderne. La forêt agit comme une sorte de réinitialisation naturelle du système nerveux : moins de dopamine, plus de chlorophylle.
D'où ça vient
Les origines des bains de forêt remontent au Japon du début des années 1980, lorsque le Shinrin-yoku a émergé dans le cadre du mouvement de santé publique du pays. À cette époque, le Japon était confronté à une explosion du stress, à des horaires de travail interminables et à une augmentation alarmante des cas d'épuisement professionnel. Cela vous rappelle quelque chose ? L'Agence japonaise des forêts a alors commencé à promouvoir le Shinrin-yoku comme remède à la vie urbaine, encourageant la population à renouer avec les forêts ancestrales du pays. L'appel était lancé en faveur d'une pratique douce, attentive et ressourçante, permettant de préserver un lien sacré entre l'homme et la nature.
Médecins et chercheurs ont entrepris d'étudier ses effets sur la tension artérielle, le système immunitaire et l'humeur. Leurs conclusions ont clairement démontré que la nature possède des vertus thérapeutiques que la science commence à peine à appréhender. Passer du temps en pleine nature, sans se presser, a permis de réduire les hormones du stress, de ralentir le rythme cardiaque et d'améliorer l'humeur. Une étude a même révélé que les bains de forêt augmentaient l'activité des cellules NK (Natural Killer), cellules impliquées dans la défense du système immunitaire contre les virus et le cancer (Li et al., 2010).
Depuis, le Japon a créé des dizaines de sentiers officiels de Shinrin-yoku. Cette pratique est devenue à la fois une intervention de santé et un rituel culturel, alliant méditation et thérapie par la forêt.
De là, le mouvement s'est répandu à travers le monde, trouvant un écho favorable en Corée du Sud, en Scandinavie et en Amérique du Nord. Dans ces régions, les gens entretiennent déjà un lien fort avec la nature, mais aspiraient à une expérience plus douce, plus réfléchie, plus authentique.
Pourquoi les gens le font
À première vue, le bain de forêt semble presque trop simple : sortir, marcher lentement, regarder les arbres. Mais c’est précisément pour cela que ça marche.
Elle vous invite à ralentir, à vous extraire de l'action pour revenir à l'être. Vous autorisez votre esprit à vagabonder, votre corps à se reposer et vos sens à s'éveiller.
Voici ce qui a tendance à attirer les gens :
1. Réduction du stress
Des études montrent que le contact avec la forêt diminue le taux de cortisol, principale hormone du stress. Inhaler des phytoncides, composés aromatiques libérés par les arbres et les plantes, a démontré son efficacité pour réduire la pression artérielle et favoriser la relaxation (Park et al., 2010).
Il s'agit essentiellement d'une expiration complète du corps.
2. Clarté mentale
Si votre cerveau ressemble à un navigateur avec trop d'onglets ouverts, la sylvothérapie peut vous aider à en fermer quelques-uns. Elle vous invite à ralentir le rythme de vos pensées, à vous concentrer sur le moment présent et à faire le vide dans votre esprit. On décrit souvent une sensation d'ancrage, de concentration ou tout simplement de légèreté après une sylvothérapie (Morita et al., 2007).
3. Reconnexion sensorielle
En ville, nos sens s'engourdissent. Bruit incessant, lumière fluorescente, gaz d'échappement, notifications. En forêt, nos sens se rééquilibrent. On commence à remarquer les choses subtiles : le craquement de la mousse sous nos pas, l'odeur des pins, le rythme du vent dans les branches.
La recherche confirme cette tendance. Des études montrent que passer du temps dans la nature aide le cerveau à se remettre d'une surstimulation, améliorant ainsi la concentration et la perception sensorielle. Une étude a révélé que le contact avec la nature restaurait l'attention et la mémoire plus efficacement que le temps passé en milieu urbain (Berman, Jonides et Kaplan, 2008).
4. Communauté et appartenance
De nombreuses personnes s'essaient aux bains de forêt lors de séances guidées, parfois en groupe, parfois seules. Des guides certifiés (oui, ça existe !) accompagnent les participants en douceur, les invitant à observer, à réfléchir et à se connecter à leur environnement. Ces séances peuvent se révéler étonnamment conviviales, non pas au sens de simples bavardages, mais plutôt au sens d'un véritable partage humain.
5. C'est tout simplement agréable
Nul besoin d'être spirituel, scientifique ou sentimental pour en profiter : être dans la nature, c'est tout simplement agréable ! C'est à la fois ressourçant et libérateur ; un rappel que nous faisons partie intégrante de la nature, que nous ne sommes pas séparés d'elle.
Où pratiquer la sylvothérapie au Canada
La sylvothérapie est devenue, discrètement, l'une des pratiques de bien-être les plus accessibles et abordables au Canada. Avec près de 40 % du territoire couvert de forêts, nous disposons d'un véritable paradis pour les thérapies naturelles. Des forêts pluviales moussues de la Colombie-Britannique aux érables à sucre de l'Ontario et aux pins des Laurentides du Québec, les endroits où ralentir, respirer profondément et laisser la nature agir ne manquent pas.
Des guides certifiés en sylvothérapie ont fait leur apparition dans la plupart des provinces, offrant des séances dans les parcs provinciaux et nationaux, les jardins botaniques et même les espaces verts urbains. Le gouvernement fédéral s'y est également intéressé. Santé Canada et Parcs Canada ont soutenu les programmes de « prescription nature », permettant aux médecins de prescrire du temps en plein air à leurs patients souffrant d'anxiété, de dépression ou de stress chronique.
Si vous êtes prêt à tenter l'expérience vous-même, voici quelques endroits magnifiques à travers le pays pour vous inspirer :
Colombie-Britannique
- Parc régional Pacific Spirit (Vancouver) : Sentiers de forêt pluviale côtière, cèdres imposants et chants d’oiseaux aux allures cinématographiques.
- Les sentiers de la forêt pluviale de Tofino : humides, moussus et profondément sensoriels — le paysage Shinrin-yoku parfait.
- La boucle du lac perdu de Whistler : un mélange de calme au bord du lac et de sentiers bordés de pins doux, souvent emprunté par les guides locaux.
Alberta
- Parc national de Banff (près du canyon Johnston) : Les promenades tôt le matin ou au crépuscule offrent un calme qui semble ancestral.
- Kananaskis Country : Essayez Troll Falls ou le sentier Heart Creek, deux promenades faciles offrant une immersion totale dans l’énergie de la forêt.
Ontario
- Jardins botaniques royaux (Burlington) : Abritant le premier sentier de sylvothérapie certifié du Canada.
- Parc Algonquin : Nature sauvage typique de l'Ontario, idéale pour une séance de bain de forêt en autonomie.
- Parc provincial de Mono Cliffs : Paisible et méconnu, avec une forêt dense et des falaises calcaires.
Québec
- Spa Eastman (Cantons de l'Est) : Propose des bains de forêt guidés dans le cadre de ses retraites de bien-être.
- Parc national du Mont-Tremblant : Vastes forêts aux sentiers pédestres tranquilles, parfaits pour une immersion sensorielle.
Canada atlantique
- Parc national de Fundy (Nouveau-Brunswick) : Épinettes rouges et sentiers moussus, avec le murmure de la mer en arrière-plan.
- Hautes terres du Cap-Breton (Nouvelle-Écosse) : L'air de l'océan rencontre le calme de la forêt, une double expérience époustouflante.
Le Nord
- Les forêts boréales du Yukon : si vous avez toujours voulu savoir ce que signifie le calme absolu, vous êtes au bon endroit.
Comment l'essayer (aucun guide requis)
Nul besoin de certification officielle ni de réservation pour une retraite de sylvothérapie. Un coin de verdure et la volonté d'y aller doucement suffisent.
Voici comment :
1. Choisissez votre emplacement
Choisissez un espace naturel arboré, idéalement un lieu calme et rassurant. Il peut s'agir d'un parc urbain, d'un sentier au bord d'une rivière ou d'une forêt que vous avez toujours aimée. Si vous vous rendez dans un endroit isolé, emmenez un ami ou prévenez quelqu'un de votre destination.
2. Laissez la technologie derrière vous
Éteignez votre téléphone, ou au moins mettez-le en mode silencieux. Ce n'est pas le moment d'écouter des playlists ou des podcasts. Vous vous imprégnez des sons ambiants de la nature : le vent, les oiseaux, les pas, votre propre respiration.
3. Déplacez-vous lentement
Marchez comme si vous n'aviez nulle part où aller. Si vous voyez quelque chose d'intéressant, arrêtez-vous. Si vous voulez vous asseoir, asseyez-vous. L'important n'est pas d'aller loin, mais d'observer ce qui vous entoure.
4. Faites appel à vos sens
Posez-vous la question :
- Que vois-je ?
- Qu'est-ce que j'entends ?
- Qu'est-ce que je sens ?
- Que puis-je toucher sans danger ?
- Quelle sensation procure l'air sur ma peau ?
5. Faites une pause et respirez.
Trouvez un endroit où vous arrêter. Asseyez-vous ou restez debout en silence pendant quelques minutes. Respirez profondément. Observez les sensations de votre corps, l'évolution de vos pensées, les subtiles transformations de la forêt pendant que vous restez immobile.
6. Réfléchir
Après 20 à 60 minutes, vous ressentirez probablement un calme que vous n'aviez pas au départ. Vos épaules se détendront peut-être, votre respiration ralentira, ou votre regard s'adoucira. C'est le bain qui opère sa douce magie.
Diversifiez vos horizons et ralentissez !
Pour certains, la sylvothérapie est une révélation ; pour d’autres, elle a quelque chose d’un peu mystique. Mais la plupart de ceux qui l’essaient s’accordent à dire qu’il s’ensuit un changement. Peut-être ne s’agit-il pas des arbres eux-mêmes, mais de l’attention que nous leur portons, du simple fait d’être pleinement présents dans un monde qui nous sollicite sans cesse. Dans une culture obsédée par l’activité, la sylvothérapie apparaît comme une expérience discrètement radicale : un rappel que ralentir, respirer profondément et contempler les arbres peut être une forme de guérison en soi. La prochaine fois que vous ajouterez des randonnées, du vélo, de la natation ou du ski à votre liste d’activités en pleine nature, pensez à y inscrire une activité plus paisible.
Sources :
Li, Q. (2010). Effets des bains de forêt sur le système immunitaire humain. Environmental Health and Preventive Medicine, 15, 9–17. https://doi.org/10.1007/s12199-008-0068-3
Park, B.-J., Tsunetsugu, Y., Kasetani, T., Kagawa, T. et Miyazaki, Y. (2010). Effets physiologiques du Shinrin-yoku (bain de forêt) : résultats d’expériences de terrain menées dans 24 forêts du Japon. Environmental Health and Preventive Medicine, 15(1), 18–26. https://doi.org/10.1007/s12199-009-0086-9
Morita, E., Fukuda, S., Nagano, J., Hamajima, N., Yamamoto, H., Iwai, Y., Nakagawa, T., Ohira, H. et Shirakawa, T. (2007). Effets psychologiques des milieux forestiers sur les adultes en bonne santé : le shinrin-yoku (bain de forêt, promenade) comme méthode possible de réduction du stress. Public Health, 121(1), 54–63. https://doi.org/10.1016/j.puhe.2006.05.024
Berman, M.G., Jonides, J. et Kaplan, S. (2008). Les bienfaits cognitifs de l’interaction avec la nature. Psychological Science, 19(12), 1207–1212. https://doi.org/10.1111/j.1467-9280.2008.02225.x